Dans une approche pédagogique, nous éclairons l’opinion et surtout le souverain primaire qui a pris le train de la démocratie chez nous et qui doit savoir toutes les étapes du voyage et surtout les passagers à bord. Nous avons ramassé des questions et nous proposons des courtes réponses qui exigent éclaircissement. L’exercice d’apprentissage est permanent avec nous.
- Que prévoit la Constitution et le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale sur la session extraordinaire ?
La Commission Electorale Nationale Indépendante avait publié les résultats provisoires des élections des députés nationaux le 14 janvier 2024. Et conformément à l’article 114 de la Constitution, les nouveaux élus devraient prendre le chemin de leur travail. Cet article prévoit que “chaque Chambre du Parlement se réunit de plein droit en session extraordinaire le quinzième jour suivant la proclamation des résultats des élections législatives par la Commission électorale nationale indépendante”.
La Constitution a déjà fixée l’ordre du jour des matières à traiter en attendant la proclamation des résultats définitifs. Il s’agit notamment :
- L’installation du Bureau provisoire dirigé par le doyen d’âge assisté des deux les moins âgés ;
- La validation des pouvoirs ;
- L’élection et l’installation du Bureau définitif ;
- L’élaboration et l’adoption du Règlement intérieur.
Contrairement à ceux qui se disent dans certaines obédiences politiques, la séance d’ouverture est présidée par le Secrétaire général de l’Administration de chacune des deux Chambres. Pendant cette session, les deux Chambres se réunissent pour élaborer et adopter le Règlement intérieur du Congrès. La session extraordinaire prend fin à l’épuisement de l’ordre du jour.
L’article 8 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, prévoit à titre de complément qu’au cours de cette séance, le Secrétaire général annonce à l’Assemblée plénière le nom du député le plus âgé ou doyen d’âge et les noms des deux députés les moins âgés.
- Existe-il un délai constitutionnel, légal ou réglementaire de la session extraordinaire d’ouverture ?
En réalité, les textes pertinents en la matière ne fixent pas le délai. L’article 21 du Règlement intérieur prévoit que la session extraordinaire inaugurale de la législature prend fin à l’épuisement de l’ordre du jour. En revanche, dans la pratique, la session extraordinaire se clôture souvent avec la proclamation des résultats définitifs et l’élection ainsi que l’installation du bureau définitif. Ce qui laisse croire que les travaux iront en mars 2024.
- Face aux difficultés des découvertes des usages parlementaires, les partis et les regroupements politiques auront-ils un rôle à jouer ?
Ces députés élus font partie des familles politiques. Il est irréprochable qu’ils reçoivent les consignes techniques. Les Regroupements politiques peuvent organiser des sessions pédagogiques en début de législature pour des conseils pratiques afin de mieux gérer cette période de découverte. C’est également au contact des députés plus expérimentés que se transmettent les codes et les spécificités de l’institution que s’opère l’apprentissage du métier parlementaire.
- Les élus nationaux ont-ils droit de faire alliance à d’autres formations politiques autres que celles qui les ont portés aux élections ?
Les échos qui viennent de Kinshasa annoncent des tractations visibles et invisibles. La base des calculs serait le nombre des députés que les uns et les autres ont comptabilisés dans cette élection. Certains analystes pensent qu’il n’est pas interdit cette agitation pourvue que les armes utilisées demeurent conventuelles et légales.
- Ces élus seront-ils redevables des autorités morales des regroupements et des partis politiques ou effectivement du peuple souverain primaire ?
Les anciennes constitutions et l’actuelle de 2006 réconfortent les autorités morales des partis politiques en dépits désormais d’un arrêt de 2021 qui soulage l’agir parlementaire et qui lui met à l’abri des sanctions.
- Ce que prévoient le résumé des constitutions anciennes et actuelles :
- Un député élu sous les couleurs d’un parti ou d’un regroupement de partis ne pouvait, en cours de mandat, changer d’étiquette ;
- Tout député qui quitte délibérément son parti ou son groupement politique, durant la législature, est réputé renoncer à son mandat parlementaire obtenu dans le cadre dudit parti ou groupement politique ;
- Lorsqu’un candidat se présente sur la liste d’un parti, il prend, par là même, l’engagement devant ce parti et devant le corps électoral de respecter les statuts et le programme de ce parti. Il ne pourra donc pas, une fois élu, changer de parti ou se libérer, à son gré, de l’engagement qu’il a pris de respecter les statuts et le programme de son parti. C’est pourquoi lorsqu’un député membre cesse d’être membre d’un parti, il perd son mandat à l’Assemblée nationale et il y est remplacé par son suppléant ;
- En RDC, le scrutin porte exclusivement sur les listes et non sur les candidats. L’électeur voit son candidat, mais en réalité, les voix appartiennent à la liste du parti et du regroupement. Dès lors, il est soutenable de prévoir que l’abandon de son parti équivaille à la cessation du mandat de parlementaire
- Mais dans ce cas, le mandat du député est-il impératif aux yeux de la Constitution actuelle ?
A titre de rappel, il existe désormais une jurisprudence de la Cour Constitutionnelle. Depuis 2021, à l’avènement de la rupture du CASH-FCC a reconnu qu’un élu est d’abord au service du souverain primaire et non au parti politique. C’est cet arrêt qu’il est important de faire connaitre aux citoyens.
En effet, la Constitution prévoit que la mission des députés nationaux, quelle que soit leur provenance politique, est de représenter la Nation. Ils sont élus au suffrage universel direct. Ainsi ils sont plus redevables des électeurs et ne représentent donc pas leurs partis politiques encore moins leurs intérêts personnels.
La Cour Constitutionnelle a rendu son arrêt sur la requête du bureau d’âge en interprétation de l’article 101 alinéa 5 de la Constitution qui dispose que “tout mandat impératif est nul ». La haute Cour a tranché en affirmant que » le député national reste le seul et l’unique maître de ses opinions et de ses appartenances politiques.
L’article 26 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale prévoit qu’au début de chaque législature, les partis et regroupements politiques déposent au Bureau provisoire de l’Assemblée nationale une déclaration d’appartenance à la majorité ou à l’opposition politique dûment signée par chacun d’eux. Et l’article 54 de poursuivre qu’un “député qui quitte son groupe parlementaire perd le droit de s’affilier à un autre groupe, il devient non-inscrit. Il en est ainsi du député qui est exclu de son parti. Le député qui n’appartient à aucun groupe parlementaire est appelé non-inscrit. Chaque député est membre du groupe parlementaire auquel appartient le parti politique dans le cadre duquel il a été élu.”
En réponse à cette requête, l’arrêt de la Haute Cour indique que les dispositions de ces deux articles du règlement intérieur ne sont pas à entendre comme interdisant aux députés nationaux, au vu de la circonstance nouvelle, de faire une nouvelle déclaration d’adhésion à un groupe parlementaire ou coalition majoritaire de leur choix.
Il précise que la Constitution qui a la primauté sur le règlement intérieur proscrit le mandat impératif qui est une façon d’emprisonner les députés dans les partis et regroupements politiques au détriment des intérêts du peuple, le souverain primaire qui leur a donné mandat qu’il exerce en son nom. « Le mandat du député est un mandat politique et représentatif possédant la caractéristique d’être général, libre et non révocable. C’est-à-dire que le représentant peut agir en tous domaines à sa guise au gré des intérêts non pas de son parti politique, mais plutôt de la nation, sans être obligé ni de ses électeurs, ni de son parti politique, encore moins du regroupement politique auquel appartient son parti politique », précise l’arrêt. Il souligne que l’élu reste maître de ses opinions au sein de l’Assemblée nationale et de ses appartenances politiques au sein de celle-ci.
« Le mandat qu’il exerce appartenant à la nation, son exercice ne peut être que libre. Aucun intermédiaire entre la nation et lui ne devant s’interposer. Ainsi, la règle de nullité du mandat impératif donne lieu à celle de la liberté d’exercice du mandat par le parlementaire », martèle l’arrêt.
- Les difficultés et l’éternel débat
La Constitution reconnaît trois statuts de parlementaires liés à la présentation de candidatures : ceux qui ont été présentés par des partis politiques, ceux présentés par les regroupements politiques et ceux qui se sont présentés en indépendants.
L’article 110, dernier alinéa, de la Constitution prévoit qu’un parlementaire « qui quitte délibérément son parti politique durant la législature est réputé renoncer à son mandat parlementaire obtenu dans le cadre dudit parti politique ».
Les élus indépendants et ceux issus de regroupements politiques des élections du 20 Décembre 2023 n’auront en principe aucun problème. Cette législature peut faire face à 5 situations :
- Certains élus peuvent quitter leurs regroupement politiques sans quitter nécessairement leur partis politiques ?
- Certains élus peuvent quitter leurs partis politiques et s’attacher au regroupement politique qui leurs ont porté aux élections de décembre 2023
- Certains élus peuvent demeurer membre des partis et de regroupements politiques tout au long de la législature
- Certains élus peuvent quitter leur partis et leurs regroupements sans l’annoncer officiellement pour éviter de perdre les sièges ;
- Un élu indépendant peut-il cesser d’être indépendant et devenir membre d’un parti politique sans que prenne fin son mandat de parlementaire pendant la 4éme législature ?
Nous sommes à l’école de la Démocratie. Malgré les fatigues et même des nausées, les voyageurs n’ont pas de choix : le train avance !