« Le vote électronique au cœur de la tripartite CENI-CNSA-GOUVERNEMENT » : vers une unième modification de la loi électorale de 2015 ?


L’accord de la Saint Sylvestre, signé en date du 31 décembre 2016 avait pour objectif d’endiguer l’impasse politique lié à la non organisation des élections en 2016.  L’application de cet accord devrait en principe permettre de trouver un consensus basé sur la recherche de plus d’inclusivité en vue du règlement des problèmes politiques causés par le retard dans l’organisation des élections

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. Il fallait résoudre la crise institutionnelle.  Faut-il encore que tout le monde y mette la  bonne foi et la détermination ?

Le chapitre 4 de cet accord est consacré au processus électoral. Il prévoit au point 2 que les parties prenantes (Majorité présidentielle,  Opposition  signataire  de  l’accord  du  18  octobre  2016,  Rassemblement  des  forces  acquises  au changement, Front pour le respect de la constitution et Société Civile) conviennent de l’organisation des élections en une  seule  séquence :  présidentielle,  législatives  nationales  et  provinciales  au  plus  tard  en  décembre 2017. Mais  le chapitre contient un tout petit mot « Toutefois » qui fera encore couler beaucoup d’encre et de salive :  « Toutefois, le Conseil  National  de  Suivi  de  l’Accord  et  du  processus  électoral,  le  gouvernement  et  la  CENI  peuvent  unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement desdites élections.» Ne l’oublions pas, le temps est plus grand que l’espace, coule et nous avec de gré ou de force.

Quatre mois après la signature de l’accord, les arrangements particuliers ont été signés mais ils n’ont plus respecté le principe  d’inclusivité  consacré  par  l’accord.  Bien plus,  on  a  assisté  à  un  dédoublement  des  structures  et/ou  à  un débauchage  de  certains  leaders  politiques  signataires  desdits  arrangements  et  désavoués  par  une  partie  de  leur  base politique qu’ils sont censés représenter.  Un jeu d’adultes dans lequel tous les coups sont permis.

Entre temps, un CNSA a été mis en place en juillet 2017, sans l’unanimité semble-t-il des parties prenantes à l’accord et sans loi organique telle que le veut le chapitre 6, points 2.3 sur les attributions de cet organe de suivi de l’accord et du processus électoral.

Huit  mois  après  la  signature  de  l’accord  de  la  Saint  Sylvestre,  la  CENI  a  organisé  les  assises  de  Kananga,  dans  la province du Kasaï, pour évaluer le processus électoral. Ces assises se sont tenues du 28 au 30 aout 2017 avec un CNSA aux contours très négociés.

La  question  du  lancement  de  l’opération  d’identification  et  enrôlement  des  électeurs  dans  l’espace  Kasaïen  et  la présentation par la CENI du matériel de vote électronique sont les deux faits qui ont marqué les assises de Kananga. A propos de l’identification et enrôlement des électeurs, la CENI avait évoqué des difficultés techniques et financières, et les défis sécuritaires liés à l’espace Kasaïen à cause du phénomène de Kamuina Nsapu. La bonne nouvelle est que la CENI a enfin annoncé le début de l’opération d’identification et enrôlement des électeurs dans le Kasaï, Kasaï centrale, et les territoires de Luili et Kamiji dans la province de la Lomami, pour le lundi 4 septembre 2017, la tripartite ayant noté des avancées sécuritaires significatives dans ces milieux.  Voyons voir.

Sur autorisation du Président de la CENI, le Directeur du Centre National de Traitement (CNT) a procédé ensuite à la présentation  de  la  machine  du  vote  électronique,  un  outil  conçu  par  les  experts  en  informatique  de  la CENI  depuis 2014,  à  l’époque  de  feu  Monsieur  l’Abbé  Apollinaire  MALUMALU.  Mais,  le  vote  électronique  suscite  plusieurs réactions chez certains observateurs bien avertis du processus électoral.  Est-ce le système de vote le mieux approprié en ce temps où les acteurs politiques ne se font pas confiance ? Le peuple congolais (au moins 60 % d’analphabètes) se retrouvera-t-il aussi  facilement ?  Y  aura-t-il  suffisamment  de  moyens  pour  vulgariser  ce  nouveau  système ?  Les risques de fraude sont-elles réduites et comment ?

Le  fondement  légal  du  vote  électronique  est  consacré  à  l’article    47  alinéa  1er de  la  loi  électorale  de  2015  qui dispose  que  le  vote  s’effectue  soit  au  moyen  d’un  bulletin  papier,  soit  par  voie  électronique.  L’article  55  de  la même loi dispose qu’en cas de vote électronique, les formalités sont fixées par une décision de la CENI.

Le vote électronique présente des avantages et des désavantages
. Il est moins couteux par rapport aux bulletins papier format A4, le comptage et dépouillement s’effectuent en présence des témoins et observateurs, les vulnérables seront toujours  assistés. Ce  vote  prend  au  moins  une  minute  par  électeur,  possibilité  de  plusieurs  scrutins en  une  seule séquence. En imprimant la fiche de résultat, l’électeur se rend compte de son vrai choix avec possibilité d’annuler à maintes reprises en cas d’erreur, les résultats sont imprimés directement à la clôture du vote et la copie des fiches de résultats remise aux témoins.

D’autres experts électoraux ajoutent que ce vote facilite la publication rapide des résultats car le vote et la compilation se  font  simultanément  à  travers  la  machine  et  cela peut  renforcer  la  fiabilité  en  plus  de  la  rapidité. Il  encourage  la participation  électorale  en  réduisant  le  taux  d’abstention.  Il  est  moins  polluant  et  moins  nocif. Il  réduit  le  coût  en termes d’emploi du personnel avec le transfert rapide des résultats.

Pourtant, le vote électronique suscite des interrogations non négligeables :

  1. L’ordinateur de  vote  fonctionne  grâce  à  un  logiciel  agréé.  Mais  rien  ne  prouve  qu’un  virus  ne  puisse  être intégré d’une manière ou d’une autre
    . Peut-on exclure le piratage ?
  2. Si cela est vrai, cela va décourager à tort ou à raison ceux qui sont réticents à l’innovation. En particulier, les personnes âgées qui peuvent paniquer à l’idée de changer les habitudes.
  3. Il est impossible à l’électeur d’être sûr qu’il n’y a pas eu de fraude lors de la compilation. Que ce soit pour la personne très  compétente  en  informatique  comme  pour  celle  qui  n’a  aucune  compétence,  elle  devra  faire confiance  totalement  et  aveuglément  au  fournisseur de  l’appareil,  à  la  société  qui  l’a  agréé ;  une  vertu  peu répandue dans la classe politique congolaise actuellement.
  4. On peut  ajouter  le  déficit  ou  manque  d’expérience  dans  la  culture  électorale  chez  plusieurs  compatriotes,  les défis  liés  à  l’énergie  électrique  (courant  quasi  inexistant  en  ville  comme  en  milieu  rural),  suspicion grandissante entre acteurs.

Bien que l’article 47 alinéa 1er de la loi électorale offre la possibilité de ce vote électronique,  l’article 237 Ter de la même  loi  donne  une  exception  en  disposant   que   « le  mode  de  vote  électronique  ne  peut  être  appliqué  pour  les élections en cours ».  Faut-il comprendre, que les interrogations actuelles, ont amené la CENI à changer des positions ?  Devant  le  média  à  Kinshasa,  le  Mardi  5  septembre  2017,    le  président  de  CENI  préconise  :  la « Machine  à  voter couplée  au  vote  papier.  Pas  de  vote  électronique  en RDC. »  Mais est-ce  une nouvelle stratégie ?    Ce  concept  est-il légal ?  Pour  la  CENI, « la  procédure  de  vote  semi-électronique  est  la  même  que  le  vote  traditionnel
. La  seule différence est le remplacement du bulletin de vote traditionnel pré-imprimé, par un bulletin de vote spécifique vierge que l’électeur obtient du Président du bureau de vote, et sur lequel il imprimera son choix via la machine de vote. Ce bulletin de vote imprimé est déposé dans l’urne pour un dépouillement manuel

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. La machine de vote agrège les résultats des  candidats  au  fur  et  à  mesure  que  les  électeurs votent,  et  à  la  clôture  du  vote,  la  machine  imprime  la  fiche  de résultats qui sera comparé avec la fiche de résultats remplit par le membre du bureau de vote ».

La  CENI  pourrait-elle  passer  outre  ces  dispositions  légales  pertinentes ?  Tout  laisse  à  croire  que  la  session parlementaire  qui  s’ouvre  le  15  septembre  ne  manquera  pas  d’aborder  cette  question  tant  il  est  vrai  que  la  CENI  a démontré des défis liés aux textes de lois pour lui permettre d’avancer.  Et ces lois que la CENI demande depuis des années  et  qui  trainent  à  être  votées  par  nos  élus :  Que  devons-nous  en  déduire ? Incompétence,  mauvaise  foi, complicité, médiocrité ?

Le peuple congolais n’a voté de manière démocratique qu’à deux reprises en 2006 et 2011. Sa culture électorale peut-être doit davantage être enrichie de plusieurs expériences avant de passer au vote électronique. Un accent doit être mis sur l’éducation civique et électorale au sein de la population et même des partis politiques. Tous les témoins et certains observateurs n’ont pas le bagage requis pour suivre les différentes étapes du processus électoral. Décembre approche
. On végète et certains croient au miracle en croisant les bras sans rien faire de façon réaliste.

Qui sème le vent récolte la tempête.

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